Tel homme les résout en un seul, tel autre s’abstient ; celui-ci fouille le sexe entier pour y chercher la satisfaction de ses appétits antérieurs, celui-là l’idéalise en une seule femme dans laquelle se résume l’univers ; les uns flottent indécis entre les voluptés de la matière et celles de l’esprit, les autres spiritualisent la chair en lui demandant ce qu’elle ne saurait donner. Souvent lorsque, perdue dans l’infini de la lassitude, mon âme dégagée du corps voltigeait loin de la terre, je pensais que ces plaisirs étaient un moyen d’annuler la matière et de rendre l’esprit à son vol sublime. Ces femmes savent alors sentir et calculer, presser tout le suc du présent et penser à l’avenir ; elles peuvent étouffer des gémissements souvent légitimes avec l’énergie du chasseur qui ne s’aperçoit pas d’une blessure en poursuivant son bouillant hallali. Elle me disait un jour ces mots qui satisfaisaient toutes les capitulations d’une conscience timorée et les effrénés désirs du jeune homme : « - Votre amie toujours, et votre maîtresse quand vous le voudrez ! L’amour que satisfaisait la maîtresse a des bornes, la matière est finie, ses propriétés ont des forces calculées, elle est soumise à d’inévitables saturations ; je sentais souvent je ne sais quel vide à Paris, près de lady Dudley.
Elle se tenait d’ailleurs sur un terrain où je ne pouvais pas la fuir, il m’était difficile de refuser certaines invitations parties du cercle diplomatique ; sa qualité lui ouvrait tous les salons, et avec cette adresse que les femmes déploient Truffle pour la chasse obtenir ce qui leur plaît, elle se faisait placer à table par la maîtresse de la maison auprès de moi ; puis elle me parlait à l’oreille. » Enfin elle médita de faire servir à ma perte la loyauté même de mon caractère, elle gagna mon valet de chambre, et après une soirée où elle s’était montrée si belle qu’elle était sûre d’avoir excité mes désirs, je la trouvai chez moi. J’avais ma liberté. Elle semblait s’être dit : - Si je le perds, je n’en accuserai que moi. En savourant les voluptés que je rêvais sans les connaître, que j’avais exprimées dans mes selam, et que l’union des âmes rend mille fois plus ardentes, je ne manquai pas de paradoxes pour me justifier à moi-même la complaisance avec laquelle je m’abreuvais à cette belle coupe. J’écrivais à Henriette sous ses yeux, jamais elle ne lut une seule ligne, jamais elle ne chercha par aucun moyen à savoir l’adresse écrite sur mes lettres.
Quand lady Arabelle mettait à mes pieds, au milieu d’un bal dont elle était la reine, les hommages qu’elle y recueillait, et qu’elle épiait mon regard pour savoir si sa toilette était de mon goût, et qu’elle frissonnait de volupté lorsqu’elle me plaisait, j’étais ému de son émotion. Je continuai d’écrire à madame de Mortsauf comme si j’étais toujours le même enfant au méchant petit habit bleu qu’elle aimait tant ; mais, je l’avoue, son don de seconde vue m’épouvantait quand je pensais aux désastres qu’une indiscrétion pouvait causer dans le joli château de mes espérances. Si, pensant à ces traits généraux de l’amour, vous tenez compte des répulsions et des affinités qui résultent de la diversité des organisations, et qui brisent les pactes conclus entre ceux qui ne se sont pas éprouvés ; si vous y joignez les erreurs produites par les espérances des gens qui vivent plus spécialement par l’esprit, par le cœur ou par l’action, qui pensent, qui sentent ou qui agissent, et dont les vocations sont trompées, méconnues dans une association où il se trouve deux êtres, également doubles ; vous aurez une grande indulgence pour les malheurs envers lesquels la société se montre sans pitié.
Il paraît certain qu’elle existe comme caractère général dans cette forme de Pomme de terre et qu’elle se multiplie sans modification par la plantation des tubercules. Cette belle lady, si svelte, si frêle, cette femme de lait, si brisée, si brisable, si douce, d’un front si caressant, couronnée de cheveux de couleur fauve et si fins, cette créature dont l’éclat semble phosphorescent et passager, est une organisation de fer. En la voyant venir, les officiers du 217e cambrent la taille, effilent leur moustache, risquent une œillade. Les poumons, le cœur et le foie ne peuvent servir qu’après avoir été blanchis à l’eau bouillante et avoir subi une préparation qui en relève le goût. Des femmes sans naissance peuvent avoir les diamants, les étoffes, les chevaux, les écussons même qui devraient nous être réservés, car on achète un nom ! Ce champignon est dit symbiotique car il vit grâce à une symbiose - collaboration - étroite avec la plante (un arbrearbre) sur laquelle il vit. Il y gagna une fortune assez ronde qui le mit en état de faire concurrence à Close.